I AM CAP'TAIN

I AM CAP'TAIN

mercredi 28 octobre 2009

Depuis le début, ma pratique artistique consiste à raconter. À raconter des histoires, ou plutôt ce que j’appelle des «rapiècements narratifs», sortes de cadavres-exquis oraux ou picturaux souvent bancals, absurdes, épiques, noirs, drôles. Comme ce qu’il advient des événements d’une vie qui verrait, comme Don Quichotte avec l’aventure, de potentielles histoires d’amour ou de destinée dans chacun de ses segments, mais surtout comme seule perspective de survie. Ce travail fragmentaire puise dans les mythes et les légendes populaires, l’actualité, dans l’histoire politique ou l’anecdote, dans les objets, les sons et les personnages de mon proche environnement.
Ma fascination pour les monstres, les objets et les animaux donne un ton quelquefois grinçant et pathétique à ces histoires dans lesquelles ces derniers jouent le rôle du héros, du sujet pictural ou d’un personnage métaphysique, accentuant à la manière des contes la relation absurde ou énigmatique que nous pourrions entretenir avec ceux-ci, et notre propre peur d’être «des leurs».

Ces récits s’articulent grâce à différent médiums tel que le dessin, la photo, le film, l’écriture, la performance ou la chanson et se déploient aussi dans l’installation. Ils projettent à la manière d’un théâtre de poche un univers inspiré du cinéma et du spectacle qui sont mes domaines de prédilection et dans lesquels la question de la collaboration est centrale. Mon travail, peu importe le médium qu’il emploie, s’inspire et collabore à ces langages très précisemment.

C’est dans cet esprit que j’ai tout d'abord effectué une série de performances l'une appelée "Ah!Jeanne" (2006), et l'autre "LOV et TVO" (2007) où je raconte seule sur scène l’histoire du film que je suis en train de faire. Projetant sur un écran des extraits de ce futur film pour en appuyer le récit oral, chantant le générique au piano, mimant les personnages absents des images, je cherche à faire entrer du vivant en tant que tel dans le cinéma, à déplacer le spectateur de la deuxième à la troisième dimension, mêlant les aventures fictives du personnage principal à ce qui se passe dans l’espace même où celles-ci sont racontées.

"Le Salon d’Alone" (2008-2009), un opéra optique d’objets, est la suite directe de cette recherche plastique. Ce spectacle, une pièce pour 80 diapositives, deux musiciens et un narrateur, depuis son origine s’apparente à une interprétation littéraire chantée d’un cabinet de curiosités faisant parler des objets à la première personne en l’absence des humains. Ces sept objets présentés dans différentes mises en scène en diaporama - personnages principaux de l’histoire – ont été chinés et choisis dans des magasins de seconde main pour leur ambiguïté formelle, entre oeuvre d’art conceptuelle ou surréaliste et bibelots de mauvais goût (rappelant sans nul doute pour certains d’entre-eux des pièces de Paul McCarthy ou de Fischli et Weiss, trois artistes qui me sont chers). Dans cet opéra, les objets racontent les origines de leur forme. En d’autres mots, ce pourrait être une comédie musicale existentielle de ready-mades.

( L'histoire racontée dans l'opéra "Le Salon d’Alone" pourrait être considérée comme l'illustration littéraire de ce que je cherche à dire d'une manière générale :

L’ensemble raconte l’histoire de Seule-Alone, une humaine retirée à Sroumi qui considérant le langage comme son unique différence avec les animaux, se sent si seule qu’elle a peur parfois d’être un cheval. Ainsi quitte-t-elle tous les jours son domicile à la recherche de gens à qui parler, unique preuve à ses yeux de l’évidence de son humanité. Mais celle-ci ignore qu’en son absence les objets de son salon tiennent des discours métaphysiques et que grâce au Décapsuleur chacun délivre son histoire. Se mêlent alors les récits de voyages et d’aventures amoureuses «second-life» de Two-Two l’enfant-pied, les destinées improbables de la Branche de Lampe ou de la Poire des Poils, les quêtes héroïques et polaires du Fagot-Lueur ainsi que les sombres échecs de Little Bit.
Seule la Bûche-Flûte aura droit aux faveurs de la providence, et trouvera la paix grâce à Commode le masque antique.




"De la ciboulette dans la maison crâne" (2009) pièce la plus récente, présente 4 pièces, s'étalant dans un habitacle de 7 m2 . Plusieurs médias cohabitent, et certains objets renvoient à d'autres créations : "la fâveur de la bûche-flûte" est un personnage de l'opéra "Le Salon d'Alone". A l'arrière-plan de "Mami" une photographie, on découvre la série de quatre sculpture-masques Les Prosôponpons (2004-2008). Un film Amis, et une série de dessins éponyme, tente une narration abstraite et fantastique entre des objets vus dans des musées. Il s'agit toujours d'objets, trouvés, chinés, photographié auxquels je redonne une vie propre. La théâtralité du dispositif est ainsi une condition sine qua non de ce processus : c'est cet univers fantasmagorique qui réanime les objets, dont la vie se manifeste entre autres par l'abondance des connotations sexuelles. Ainsi, ces objets dits "primitifs", qui viennent renouveler l'art occidental depuis le début du siècle (arts premiers, jouets, bibelots kitschs, objets artisanaux et folkoriques), sont ici réanimés par l'art. Ils conservent du coup cette inquiétante étrangeté qui est la leur et nous plongent dans un univers marqué par l'altérité.



Il me semble maintenant évident que ce travail cherche à combiner plusieurs mondes, celui du spectacle et celui de l'art visuel et à lier ceux-ci non pas dans leur références propres mais dans le dispositif. Se sépare ainsi "l'histoire" et sa "représentation", d'abord l'écriture du récit et puis la production d'un dispositif pour le transmettre. Je choisis donc de réfléchir à inverser la chose, ce sera le sujet et le dispositif donc de ma présentation.

Deux pièces seront présentées et discuter, en regard d'une tierce qui aura été produite d'ici là.

Ci-dessous, détails des deux pièces qui seront présentées et argumentées :


"Le salon d'Alone" 2008-2009
Spectacle

-Texte, images, récit et mise en scène :
Pauline Curnier Jardin
-Musique et chant interprétés et composés par :
Fred Bigot et Catriona Shaw
-Prise de vue :
Elina Juopperi


"De la ciboulette dans la maison-crâne" 2009
Installation

1- "Amis "
(première version d'une collection) - 2009
video, 6min40
Images : Pauline Curnier Jardin
Musique : Leyland Kirby


2- "Mami"
(Le nez de Mami et les Prosôponpons)- 2009
Photo
prise de vue : Jean-Francois Robardet

3-"La fâveur de la Bûche-Flûte"
(Acte III du Salon d'Alone)- 2009
Sculpture
(céramique, bois, fer)

4-"Amis"
- 2009
8 dessins
(encre sur papier)

1 commentaire:

  1. ben ça alors, t'as un blog caché toi ? Ta photo de profil est super jolie. Keep on keep it on.

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