I AM CAP'TAIN

I AM CAP'TAIN

lundi 28 décembre 2009

Colin Prunier Lapine est un membre des Vraoums

Je suis aussi Capt'ain des Vraoums.
En décembre je n'étais que cela, Capt'ain des Vraoums, une chose bleue et collective en résidence prestigieuse à Long Island chez Bob Wilson. Ici une petite bribe de ma vie double/


Capt'ain parle about du Saturday 4th december 2009 :

" Il faut quitté la Point East, quitté le bout du bout de Long Island et son confort "Jingle bells" pour New-York city . Nous jouerons ce soir à Brooklyn. Nulle ne sait où nous dormirons. C'est gonflé mais nous nous sommes vite habituées à la souplesse de nos draps, à notre jardinet taillé à ces six cyprés cubique, notre frigidaire géant et à la collection de chaises de Bob W. Nous n'osons nous le dire vraiment mais chacune est tenté par cette vie de douceur et, étrangement, New-York City ce matin-là n'est plus extraordinnaire. Pourtant. Je sens la flemme des jours de spectacle montée. Celle où on aimerait déjà être le lendemain pour penser à autre chose. Frida bizarrement se dit anxieuse, cela ne lui ressemble pas. Chacune prend sa dose d'internet, et ça traîne salement sur son écran dans le studio de Watermill. Je suis la dernière à le quitter comme à mon habitude. D'ailleurs ce matin là je ne sais plus le quitter, je préfère penser que chacune comme moi n'a pas envie de répéter. Lorsque je lève enfin le cul de ma chaise Frank Llyod Wright pour rejoindre le groupe, mon désoeuvrement est à son comble : Claude est à 4 pattes, couine et tire sa langue, David souffle et Frida râle, tout ça sur un tapis de yoga. Toujours je fais semblant d'oublier que les Vraoums s'échauffent toujours avant quoique ce soit. Je vais fumer une cigarette au soleil comme seul exercice de détente. Je refuse de faire la gueule parce que je ne suis pas danseuse, répétition heureuse, la flemme a disparu.
Dans la voiture je sens mon herpès se gonfler, nous avions décollé mais un retour à la maison s'impose pour mon zovirax. Je bougonne cette fois à cause de l'herpès, avoir un herpès à New-York c'est minable.

Nous garons le Truck en face du quai de Southampton station. 4 billets aller-retour pour la Long Island Rail sont dans nos poches.

Jamaica station, ce nom de reggae, est la station où nous nous arrêterons pour rejoindre Myrtle Avenue. Un arrêt avant se fait à Babylone et Cypress Hill. Brooklyn, les visages sont noirs, les corps s'épaississent, nous avons quitté la Point East. J'ai envie d'appeler les autres "sista". Il est 18h et j'ai faim, j'ai tout le temps faim aux USA. Il y à deux jours j'ai rêvé que les filles me disaient que mon intégration américaine commençait à se voir au niveau des hanches, ça m'a fait rire. En parlant de ça, au carrefour de Myrtle, sous son dédale magnifique d'escaliers de fer qui mènent au métro, David me souffle "mmmh duuunkn donuts"-je rétorque "Wow Popeye Chicken Louisiana"-Frida suis - et puis Claude "petits fruits secs-petits fruits?".
Je rentre chez les gros de Popeye Chicken et je suis en extase, me pame à la lecture du mot "cajun fries" et vacille lorsque petit gros noir mets dans mon paquet 4 pilons de poulet panés arrosé de frite. Mon coca est light pour rigoler.
On galope dans la Jefferson avenue, David dit que son sandwich finalement sent le vomi, je le mords et confirme, c'est du parmesan.
On galope parce que nous avons meeting avec les 22 "movers" qui joueront ce même soir a RPPP. Ce soir là à RPPP (que nous appellerons entre nous "le Loft de Lilly").
Jimmy from Sisco d'entrée fait la gueule quand je lui dis que mes pilons de poulets ne sont pas dans mon sac pour être partagés au "free bar" mais que je cherche plutôt un endroit pénard pour les avaler en feuge. À la "free boutique" je remarque, sagace, une paire de de souliers qui m'iraient à ravir, ce qui me permets moi d'échapper à la moue de déception collectiviste du cerbère de la côte OUest et aux autres de se glisser dans la salle principale sans aucune autre remontrances vis-à-vis de nos mains vides lors d'une soirée "free donation". En attendant, nous serons ce soir là nous-même des "free movers"; nous n'aurons pas un kopeck, seulement la joie de faire les marioles sur scène à Brooklyn . FAIR ENOUGH.
Nous ne sommes pas 22 il me semble mais 120, il y a du monde partout et c'est Fame qui commence. OUh-Ah-ah-Cha cha, ya que des danseurs je me dis pour la deuxième fois de la journée. Sauf une vieille babolos qui se dit être là pour "soutenir la communauté", tout le monde est jeune et s'étire comme des chats, il y en a qui me pirouette presque sur le genou, j'ai vu un type avec un bandeau d'éponge-sueur sur le front et une black-is-beautiful en fuseau léopard qui se jettait par terre en jambière fuschia. New-York et moi qui ai peur pour mes pilons qui refroidissent.
Dans un réduit à l'arrière du Loft de Lilly nous cherchons un ampli au milieu d'une quinzaine de vélos. J'avale les trucs du paquet en regardant les vélos, les frites et tout, Frida se marre, et Lilly stresse parce que c'est elle qui nous a invité, mais pour l'instant on a pas de son. Je suis complétement détendue, je ne me sens pas réveillée, nous aurons du son je le sais. Nous participons comme il se doit au meeting de 19h, les Vraoums parlent à voix haute de leurs besoins logistiques, nous nous faisons rire énormément; mais les autres, les 120 autres movers, eux non pas du tout, je mets ça sur le compte de l'accent et me dit que pour ce soir, c'est pas gagné. Il est huit heures le spectacle commence et c'est un scandale: deux nanas déguisées en Walkirie de chez Zara essaient un contact avec les yeux, avec ou sans musique jazzy je ne sais plus bien mais vu le bordel que c'est chez Lilly, who cares. Je me tire de là et jette un oeil bienveillant à l'installation de Madeline Best dont j'aime tant le nom. C'est beau comme tout, elle dort sous une mandarine tranxène dans un coeur de paillettes genre "le sommeil de la slap dancer". Je regarde comment elle a bricolé son affaire, je sais d'elle qu'elle est scénographe et qu'elle est née en South Carolina. Un type fait un play-back de 30 minutes et surtout gêne l'accés aux toilettes.
Marie de France est là avec des copines pour nous ce soir. Elle se présente comme cela : "je serais la fan qui vous aurait suivi même jusqu'à New-York".
Nous aurons la chambre de Jim pour loges. Les petits fruits secs de Claude se sont répandus dans leur sachet orange. Coiffures de Frida, check up banane de David, Claude fait le guêt, petite amande petit abricot.
Il faudrait y aller alors nous y allons, mais en fait, c'était pas le bon moment parce que Tom Hero, celui qui va tout arranger pour que nous ayons du son, lui n'a toujours pas joué. En ligne sur un banc, en fond de scène nous sommes belles je me dis. Une fille m'accoste à la sortie des toilettes pour me demander si je ne suis pas Spock et dit "Wow awesome" lorsque je lui dit "yes, can I go to the toilet?"

En piste ;
Animals (le son est le plus craspouille que le Vraoums ont connus mais Fida dira que ce n'est pas vrai,bref je n'entends rien et panique pour la suite)
Jim (un mec braille à côté en jouant de la guitare, j'ai envie de tout arrêter, de lui en coller une et de revenir sur scène)
Balls (public heureux, claque des mains, je crois qu'ils comprennent enfin les paroles)
la Consanguinté (...il va falloir s'habituer, c'est le chaos je me dis c'est underground, be good Vraoums go go) et puis Dalkon Shield
Le show arrive à sa fin mais se passe un must : Frida qui introduisait "Femmes" façon fanny Ardan fait du story-telling se voit pousser par une petite chose rasée portant fagôt de bois dans les bras qui répète "move on, move on". Une fille forte vient s'écrouler devant moi et je pense à un mamifère marin. Je ris du bordel qui est en train de se passer sur scène, je me réjouis même de la gêne du public et de l'absurdité de la situation. Je pense alors que New-York est aussi libre et fou que ce que je voulais. Une fille déguisée en Janis Joplin me fait tirer sur un join. On sort de scène, je ne me souviens plus si le public a applaudi. Les gens sont complétement emballés malgré le fagôt de bois et le coup de la baleine échouée, bien au contraire beaucoup viennent nous voir pour nous féliciter. Ils sont eux aussi heureux que nous soyons chez Bob Wilson. Lilly nous dit qu'elle veut passer toute la journée du lendemain avec nous, et dans un rire lent , à sa douce façon, décapsule 4 de ses home-made bières à la citrouille.
Le public est parti vite mais restent les intimes, ils dansent tous ils sont tous danseurs. La musique est souple et chiante comme Tribe Called Quest, pourtant normalement j'adore, c'est que je ne dois en fait pas adorer vraiment. Je répète en boucle "ouais, c'est le son east cost" alors que je n'y connais strictement rien. Frida dégaine l'ipod et nous voilà parties pour 3 heures de "chercher le garçon", ce que ma foi moi j'ai décidé de ne pas faire ce soir. Claude fait des tours autour de la salle en trottinant et je trouve ça cool à faire moi aussi, David est parti sur internet après nous avoir longuement observées dans un coin, Frida assure le rythme du dance-floor.
J'emmène Claude sur le toit de chez Lilly. Au loin Manhattan, au nord le sombre Queens s'étale silencieux. Lilly, Frida rapplique.Est passé un marchand de sable sur Brooklyn, Jon nous a gentiment laissé sa chambre, des peignoirs, et comme oreiller un chat à trois pattes. "

mercredi 28 octobre 2009

Depuis le début, ma pratique artistique consiste à raconter. À raconter des histoires, ou plutôt ce que j’appelle des «rapiècements narratifs», sortes de cadavres-exquis oraux ou picturaux souvent bancals, absurdes, épiques, noirs, drôles. Comme ce qu’il advient des événements d’une vie qui verrait, comme Don Quichotte avec l’aventure, de potentielles histoires d’amour ou de destinée dans chacun de ses segments, mais surtout comme seule perspective de survie. Ce travail fragmentaire puise dans les mythes et les légendes populaires, l’actualité, dans l’histoire politique ou l’anecdote, dans les objets, les sons et les personnages de mon proche environnement.
Ma fascination pour les monstres, les objets et les animaux donne un ton quelquefois grinçant et pathétique à ces histoires dans lesquelles ces derniers jouent le rôle du héros, du sujet pictural ou d’un personnage métaphysique, accentuant à la manière des contes la relation absurde ou énigmatique que nous pourrions entretenir avec ceux-ci, et notre propre peur d’être «des leurs».

Ces récits s’articulent grâce à différent médiums tel que le dessin, la photo, le film, l’écriture, la performance ou la chanson et se déploient aussi dans l’installation. Ils projettent à la manière d’un théâtre de poche un univers inspiré du cinéma et du spectacle qui sont mes domaines de prédilection et dans lesquels la question de la collaboration est centrale. Mon travail, peu importe le médium qu’il emploie, s’inspire et collabore à ces langages très précisemment.

C’est dans cet esprit que j’ai tout d'abord effectué une série de performances l'une appelée "Ah!Jeanne" (2006), et l'autre "LOV et TVO" (2007) où je raconte seule sur scène l’histoire du film que je suis en train de faire. Projetant sur un écran des extraits de ce futur film pour en appuyer le récit oral, chantant le générique au piano, mimant les personnages absents des images, je cherche à faire entrer du vivant en tant que tel dans le cinéma, à déplacer le spectateur de la deuxième à la troisième dimension, mêlant les aventures fictives du personnage principal à ce qui se passe dans l’espace même où celles-ci sont racontées.

"Le Salon d’Alone" (2008-2009), un opéra optique d’objets, est la suite directe de cette recherche plastique. Ce spectacle, une pièce pour 80 diapositives, deux musiciens et un narrateur, depuis son origine s’apparente à une interprétation littéraire chantée d’un cabinet de curiosités faisant parler des objets à la première personne en l’absence des humains. Ces sept objets présentés dans différentes mises en scène en diaporama - personnages principaux de l’histoire – ont été chinés et choisis dans des magasins de seconde main pour leur ambiguïté formelle, entre oeuvre d’art conceptuelle ou surréaliste et bibelots de mauvais goût (rappelant sans nul doute pour certains d’entre-eux des pièces de Paul McCarthy ou de Fischli et Weiss, trois artistes qui me sont chers). Dans cet opéra, les objets racontent les origines de leur forme. En d’autres mots, ce pourrait être une comédie musicale existentielle de ready-mades.

( L'histoire racontée dans l'opéra "Le Salon d’Alone" pourrait être considérée comme l'illustration littéraire de ce que je cherche à dire d'une manière générale :

L’ensemble raconte l’histoire de Seule-Alone, une humaine retirée à Sroumi qui considérant le langage comme son unique différence avec les animaux, se sent si seule qu’elle a peur parfois d’être un cheval. Ainsi quitte-t-elle tous les jours son domicile à la recherche de gens à qui parler, unique preuve à ses yeux de l’évidence de son humanité. Mais celle-ci ignore qu’en son absence les objets de son salon tiennent des discours métaphysiques et que grâce au Décapsuleur chacun délivre son histoire. Se mêlent alors les récits de voyages et d’aventures amoureuses «second-life» de Two-Two l’enfant-pied, les destinées improbables de la Branche de Lampe ou de la Poire des Poils, les quêtes héroïques et polaires du Fagot-Lueur ainsi que les sombres échecs de Little Bit.
Seule la Bûche-Flûte aura droit aux faveurs de la providence, et trouvera la paix grâce à Commode le masque antique.




"De la ciboulette dans la maison crâne" (2009) pièce la plus récente, présente 4 pièces, s'étalant dans un habitacle de 7 m2 . Plusieurs médias cohabitent, et certains objets renvoient à d'autres créations : "la fâveur de la bûche-flûte" est un personnage de l'opéra "Le Salon d'Alone". A l'arrière-plan de "Mami" une photographie, on découvre la série de quatre sculpture-masques Les Prosôponpons (2004-2008). Un film Amis, et une série de dessins éponyme, tente une narration abstraite et fantastique entre des objets vus dans des musées. Il s'agit toujours d'objets, trouvés, chinés, photographié auxquels je redonne une vie propre. La théâtralité du dispositif est ainsi une condition sine qua non de ce processus : c'est cet univers fantasmagorique qui réanime les objets, dont la vie se manifeste entre autres par l'abondance des connotations sexuelles. Ainsi, ces objets dits "primitifs", qui viennent renouveler l'art occidental depuis le début du siècle (arts premiers, jouets, bibelots kitschs, objets artisanaux et folkoriques), sont ici réanimés par l'art. Ils conservent du coup cette inquiétante étrangeté qui est la leur et nous plongent dans un univers marqué par l'altérité.



Il me semble maintenant évident que ce travail cherche à combiner plusieurs mondes, celui du spectacle et celui de l'art visuel et à lier ceux-ci non pas dans leur références propres mais dans le dispositif. Se sépare ainsi "l'histoire" et sa "représentation", d'abord l'écriture du récit et puis la production d'un dispositif pour le transmettre. Je choisis donc de réfléchir à inverser la chose, ce sera le sujet et le dispositif donc de ma présentation.

Deux pièces seront présentées et discuter, en regard d'une tierce qui aura été produite d'ici là.

Ci-dessous, détails des deux pièces qui seront présentées et argumentées :


"Le salon d'Alone" 2008-2009
Spectacle

-Texte, images, récit et mise en scène :
Pauline Curnier Jardin
-Musique et chant interprétés et composés par :
Fred Bigot et Catriona Shaw
-Prise de vue :
Elina Juopperi


"De la ciboulette dans la maison-crâne" 2009
Installation

1- "Amis "
(première version d'une collection) - 2009
video, 6min40
Images : Pauline Curnier Jardin
Musique : Leyland Kirby


2- "Mami"
(Le nez de Mami et les Prosôponpons)- 2009
Photo
prise de vue : Jean-Francois Robardet

3-"La fâveur de la Bûche-Flûte"
(Acte III du Salon d'Alone)- 2009
Sculpture
(céramique, bois, fer)

4-"Amis"
- 2009
8 dessins
(encre sur papier)